Discussion végétale

Grâce à la technologie, un marronnier européen et un érable canadien purent, un jour de mars, échanger quelques propos...

Le marronnier, très fier, se lança aussitôt dans une diatribe haute en couleur : « Quelle idée avez-vous eu de grandir, cher érable, ainsi que vos congénères et tous les feuillus de votre terre, dans ce lieu si peu invitant que l’on appelle Canada! Un continent aux paysages sans limites, et aux hivers si froids et si longs!

Et que dire de vos feuilles et de vos fleurs confinées si longtemps dans vos bourgeons! C’est une atteinte à la liberté de les emprisonner pendant tous ces mois hivernaux, où la seule couleur qui puisse distraire (si on peut la nommer couleur) est le blanc! »

Le marronnier décrivit alors à l’érable, avec beaucoup d’emphase, la beauté de son tronc, sa majestueuse silhouette et la longueur de ses racines. Il fit surtout grand spectacle de ses jeunes feuilles
d'un vert tendre, encore flétries mais déjà prêtes à recevoir la lumière du printemps.

L’érable sentit ses bourgeons se gonfler sous l’effet de l’agacement. Mais il sut garder son sang-froid et finit par répondre :

« Mon cher marronnier, ne seriez-vous pas devenu une espèce assoupie et imbue, avec le peu d’effort que la nature vous force à produire! Tout paraît si facile. Votre continent est devenu le royaume de la lenteur, voire de la paresse! En effet, rien ne vous presse! Il me semble que le climat est trop bon et indulgent avec vous.

Nous autres, nous aimons notre terre. Nous y avons appris la patience au fil des millénaires. Nos bourgeons sont des alcôves si confortables que nos feuilles et nos fleurs en devenir s'y sentent parfaitement à leur aise. Nous n’avons point cette tendance à l’arrogance : la nature est rude. Elle nous oblige à rester humbles. Nous nous sommes adaptés pour contrer le vent et le froid et restons impassibles durant sept longs mois. Nous savons admirer la beauté de nos campagnes enneigées.

Qui sait attendre reçoit beaucoup : dès qu'arrive notre tour (fort tard, puisqu'il faut attendre mi-mai, ainsi qu'à tous les autres feuillus), c’est une effusion de vie qui jaillit dans nos veines. Tout se fait vite et tout est grandiose. Nos feuilles et nos fleurs, sans doute pressées d’en sortir, explosent et grandissent à toute vitesse. Nous travaillons tout l'été, jusqu’aux premiers froids d’octobre, pour assurer la transmission de notre espèce. Nous sommes bien fiers d’offrir à notre descendance une terre si grande et peuplée de si belles forêts! »

Le marronnier fut impressionné par le discours de l’érable. Il promit de garder le contact. Piqué par la curiosité, il voulait en savoir davantage.

Ainsi débuta la télécommunication végétale.
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